Le Mag Aviron X3 – Courchevel revient en 2023
13 février 2023Aurélie Morizot : des sponsors pour se concentrer sur la vie de sportive de haut niveau
15 février 2023Aujourd’hui, Mag Aviron vous propose de découvrir l’article de notre préparateur physique, Jean Noury, paru dans notre dernier magazine.
Le cœur de l’hiver est là, ce moment sombre où les clubs d’aviron se referment sur eux-mêmes. Depuis les berges, on ne voit plus les fines embarcations filer sur l’eau en rythme. Finis les couchers de soleil chaleureux qui donnent au ciel et à l’eau leurs couleurs orange ou rose. Terminées les fins de soirée à profiter de la glisse du bateau sur un bassin parfait au crépuscule. La nuit noire a remplacé les belles soirées d’été. Dans la pénombre, aux abords des clubs, on aperçoit seulement la lumière du bâtiment, à travers les fenêtres embuées. La chaleur que dégagent les rameurs qui s’entrainent à l’intérieur s’est condensée sur les vitres. Si on rentre dans le bâtiment, il fait souvent chaud, humide, et “ça sent le travail” comme on dit. Ajoutez à ça le bruit des roues d’ergomètres qui tournent et des barres de musculation qui claquent sur les bancs de tirade et vous y voilà !
Vous êtes dans un club d’aviron, un soir de semaine, entre novembre et mars.
C’est pendant cette période que les rameurs redoublent d’efforts pour construire la base de leur performance de l’été : leur condition physique. Ergo, muscu, ergo, muscu… Répéter ce schéma inlassablement pendant des mois en rêvant aux médailles de cet été, en contemplant les posters des glorieuses victoires passées, souvent affichés dans les salles d’entrainement.
Que cherche-t-on à développer pendant cette période ? L’endurance ? Évidemment ! La force ? Très souvent ! L’endurance de force ? Hé oui, notre bon vieux C2 qu’on aime tant, il rythme l’hiver.
Qu’en est-il de la puissance ? De la vitesse ? Est ce qu’on peut travailler ces qualités physiques en salle durant l’hiver ? Est ce qu’elles sont utiles pour notre performance en Aviron ? La réponse à ces deux questions est : oui !
L’objectif de l’entrainement d’un rameur est de développer la plus grande puissance moyenne possible, tout au long de son parcours de course. La puissance est le produit de la force par la vitesse. Il convient donc de développer ces deux aspects conjointement. On connait bien les méthodes de développement de la force, que l’on appelle communément “C1” dans le monde de l’aviron français. Augmenter les niveaux de force est important pour augmenter la puissance maximale, ce travail sert de base au développement de l’endurance de force et de l’endurance de puissance. Malheureusement parfois, on oublie la vitesse et pour certains, c’est vraiment dommageable.
Qui ne connait pas de rameurs très forts en C1, très à l’aise sur des entrainement à basse cadence sur l’ergo mais qui ont du mal à monter la cadence sur des tests spécifiques sur l’ergo et qui ne performent pas comme on l’attend le jour du fameux test ergo ? C’est le schéma classique d’un rameur au profil force et avec un déficit de vitesse.
Afin de remédier à ça, un outil absolument incontournable existe depuis des siècles : il s’agit de l’haltérophilie. L’haltérophilie fait partie des sports de bases qui constituent le monde de la préparation physique moderne. C’est une discipline à part entière certes, mais sa pratique s’avère utile dans presque toutes les activités sportives lorsqu’on cherche à performer à haut niveau. C’est l’outil ultime de développement de la puissance. Puissance maximale, puissance force, puissance vitesse, endurance de puissance, on peut travailler tout ça avec l’haltéro, on peut décliner la puissance sous toutes ses formes en fonction des besoins de l’athlète. C’est un outil merveilleux.
J’ai choisi pour l’introduction un cas pratique qu’on rencontre souvent, mais l’haltérophilie présente plusieurs intérêts pour améliorer la performance en aviron :
- Développement de la puissance : la puissance maximale est la qualité musculaire la plus importante de notre sport. La référence n°1 de ma bibliographie montre une relation significative de la puissance maximale avec le résultat sur le test 2000 m sur l’ergo.
Une fois qu’on la met en relation avec les qualités bioénergétiques, on travaille alors la qualité physique ultime de l’aviron : l’endurance de puissance. Mais pour développer une endurance de puissance élevée, il faut développer d’un côté un haut niveau d’endurance, et de l’autre un haut niveau de puissance. Or ce dernier dépend de nos niveaux de vitesse et de force. L’ensemble des paramètres de puissance est développé par l’haltérophilie. - Coordination : Les mouvements haltérophiles mettent en jeu la même gestuelle que l’aviron. La triple extension cheville, hanche, genou, avec une production de puissance maximale des membres inférieurs. En même temps que la transmission de cette puissance, à travers le corps gainé de l’athlète, pour mettre la barre en mouvement. L’utilisation de cette puissance, pour donner de la vitesse à la barre, en gardant un contrôle précis de cette dernière dans l’espace grâce aux mains. En travaillant cette coordination en salle, et en s’acharnant à produire de la vitesse avec les membres inférieurs pour la transmettre par le reste du corps, on améliore aussi notre capacité à faire la même chose en bateau.
- Mobilité : L’haltérophilie bien faite demande un haut niveau de mobilité notamment au niveau des épaules, des hanches et des chevilles. Ce sont des articulations dont la mobilité est nécessaire à la performance en aviron. Surtout les hanches et les chevilles, qui permettent aux rameurs, quand elles sont assez mobiles, d’aller chercher une amplitude complète lors du coup d’aviron en conservant un bassin en antéversion et un dos droit. De cette façon, la contrainte reçue sur la colonne vertébrale est équilibrée. La pratique de l’haltérophilie participera de manière active à l’amélioration de ces mobilités.
Attention toutefois, l’haltérophilie est une discipline compliquée, les techniques haltérophiles ne s’apprennent pas en un jour et il est fortement recommandé de se former avant de l’enseigner ou de la pratiquer. Dans tous les cas, comme toujours, la progressivité doit être une priorité afin de ne pas se faire mal. Si vous souhaitez en apprendre plus sur le sujet, je vous recommande :
- L’épisode #42 d’ABD podcast : Haltéro et prepa physique pour tous sports.
https://www.youtube.com/watch?v=2OpfZb4DaBg&t=216s&ab_channel=ABDPodcasts - Le livre : L’haltérophilie au service de la préparation physique et de la performance sportive. Écrite par Olivier Maurelli, Bruno Parietti et Marc Vouillout. Éditer par Amphora.
Comme disent les Anglo-Saxons : « Happy lifting ! »
Jean Noury
Bibliographie :
- Baudouin A, Hawkins D. A biomechanical review of factors affecting rowing performance. British Journal of Sports Medicine. 1 déc 2002;36(6):396‑402.
- Hagerman FC. Applied Physiology of Rowing. Sports Medicine. 1 juill 1984;1(4):303‑26.
- Bourdin M, Messonnier L, Hager JP, Lacour JR. Peak Power Output Predicts Rowing Ergometer Performance in Elite Male Rowers. Int J Sports Med. mai 2004;25(5):368‑73.
- Weightlifting Exercises Enhance Athletic Performance That Requires High-Load Speed Strength – ProQuest [Internet]. [cité 24 nov 2022]. Disponible sur: https://www.proquest.com/openview/7dffd70ad4c4ff7a17f53497307fd0d5/1?pq-origsite=gscholar&cbl=44253ie :